En
cette fin de XVIIème siècle, la France est attaquée de toute part
; la Ligue d'Augsbourg (1688-1697), coalition menée par l'Angleterre
et la Hollande, projette une invasion décisive sur les côtes de
Bretagne pour détruire la flotte française du Ponant mouillée
à Brest.
Informé
des projets ennemis grâce à la trahison de John Churchill, duc de
Malborough, Louis XIV a l'heureuse idée d'envoyer à Brest
son commissaire général des fortifications, Sébastien Le Prestre
de Vauban (1633-1707) pour renforcer les défenses côtières.
Grâce
aux travaux de Colbert qui ont coûté près de 600.000 livres,
prélevées en grande partie sur la cassette royale, Brest
est désormais un port important qui dispose de quais, de magasins,
d'un hôpital et d'un arsenal d'où sortent chaque année de nombreux
vaisseaux de ligne.
Nommé
commissaire général des fortifications en 1678, Vauban se
met au travail dès son arrivée à Brest et l'on voit le front
de mer se garnir de forts et de batteries, de
la pointe Saint-Mathieu à la pointe du Minou et de la
pointe des Capucins jusqu'à la Tour de Camaret.
Le
17 juin 1694, la flotte anglo-hollandaise commandée par Lord Berkeley
est aperçue par le travers d'Ouessant et le soir-même, l'armada
ennemie qui compte 36 vaisseaux, 12 galiotes à bombes et 40 bateaux
chargés de 10.000 hommes de troupes de débarquement mouille entre
Camaret et Berthaume.
Vauban
peut compter sur les 8 compagnies de Gardes de la Marine ainsi que
sur le régiment de cavalerie du Plessix stationné à Châteaulin,
il bénéficie aussi de l'appui de l'arrière-ban de Cornouaille (effectifs
de la noblesse équipés à leur frais) et des milices garde-côtes
des paroisses situées à moins de 2 lieues de la côte.
Informé
de la situation quelques jours auparavant Tanguy Le Gentil de
Quélern, capitaine-commandant de Crozon, avait demandé
l'aide des milices garde-côtes des paroisses voisines.
Le
capitaine-commandant Le Gentil de Quélern appartenait
à une famille de vieille noblesse de Cornouaille ancrée dans la
région depuis des siècles et à son appel des centaines de volontaires
avaient laissé là leurs occupations quotidiennes pour rejoindre
la presqu'île.
Les
milices garde-côtes dont le statut avait été fixé par l'ordonnance
de 1681 regroupaient, sous les ordres d'un capitaine-commandant,
tous les hommes valides entre 18 et 60 ans recrutés par tirage au
sort dans les paroisses côtières ; leurs missions consistaient à
assurer le service du guet et des batteries côtières, à défendre
les côtes contre les invasions, à assurer un service de messagerie
et à guider les troupes régulières en marche vers le front.
Le
18 juin 1694, vers 10 heures du matin, 8 vaisseaux ennemis pénètrent
dans le goulet espérant passer inaperçus dans la brume ;
leur objectif est de s'emparer de la presqu'île de Roscanvel
en raison de sa position stratégique face à Brest ; malgré le feu
roulant des batteries côtières, plusieurs chaloupes débarquent environ
1000 à 1200 hommes sur la grève de Trez-Rouz sous
les ordres du lieutenant-général Talmash.
Le
feu nourri des détachements retranchés sur les hauteurs les arrêtent
dans leur progression ; voyant leur hésitation, 2 compagnies de
Gardes de la Marine rejoints par les milices garde-côtes commandées
par le capitaine-commandant Le Gentil de Quélern
fondent sur l'ennemi.
Les
coalisés ne peuvent regagner leurs vaisseaux restés au large car
la mer a baissé ; ils sont mis en déroute et les Français font 466
prisonniers.
La
tentative d'invasion des côtes bretonnes a échoué .
Les
anglo-hollandais eurent 1200 tués, dont 800 sur la grève de
Trez-Rouz, parmi lesquels le lieutenant-général Talmash,
et 400 sur les vaisseaux.
Les
Français déplorèrent 45 tués et blessés parmi lesquels le propre
neveu du capitaine-commandant Le Gentil de Quélern,
Alain Le Gentil de Rosmorduc, grièvement blessé à la tête
des milices garde-côtes de Logonna.
En
commémoration de cette victoire, Louis XIV fit graver une grande
médaille du module de 69 mm, portant à l'avers la figure du roi
et au revers une Minerve armée et casquée, avec cette légende :
"Custos orae Armoricae" (Gardienne des Côtes d'Armorique)
et cette exergue "Angl .et Batav. caesis et fugatis 1694"
(les Anglais et Bataves battus et mis en fuite 1694).
Cette
belle médaille se trouve au Musée des Monnaies à Paris.
|